Homélie du dimanche
Dimanche 25 juillet 2021
La multiplication des pains
Hier, Mathilde, qui avait lu l’évangile, m’interpelle :
– « Philippe, le petit garçon avec les 5 pains et les 2 poissons, c’est comme le colibri qui apporte sa goutte d’eau pour désaltérer la terre qui n’en peut plus des ravages qu’on lui fait subir. Comme le colibri, le petit garçon offre au partage sa nourriture. Et tu as vu ce que Jésus en fait ? C’est l’abondance. Admirable. Et si on faisait pareil, notre monde irait mieux »
– « Bravo Mathilde pour ton enthousiasme ! Mais cela s’est passé il y a 2000 ans et nous ne pouvons pas faire des miracles comme Jésus ».
– « Mais Philippe, où as-tu vu que c’était un miracle ? C’est un signe que Jésus a accompli permettant à ce garçon de se multiplier. Nous aussi, on pourrait se multiplier. On a tous une musette où il y a un pain qui n’attend qu’à être donné ».
– « Mathilde, tu as raison : Jésus donne généreusement, mais il prend appui sur ceux qui sont prêts à donner. Pas de tour de passe-passe ».
Alors, que retenir de cet épisode ?
5 pains et 2 poissons, c’est trois fois rien devant cette foule affamée. Pour ce garçon, c’était sans doute beaucoup. Heureusement qu’il les a donnés ! Jésus en a fait quelque chose d’infini. Jésus a toujours besoin de nous, que chacun lui donne ce qu’il peut. A partir de là, il fait des merveilles. Les apôtres doutaient de ce partage à partir de si peu. Jésus leur permet de dépasser cette peur. Jésus ne fait pas grief à Philippe de sa prudence. Simplement, il passe outre. Il nous faut acquérir cette confiance dans le partage.
Il y a là quelque chose du mystère de l’inépuisable. Réfléchissons à ce qui ne s’épuise pas dans nos vies.
Est-ce que Paul en prison ne devait-il pas être épuisé, exténué ? Non, il rebondit. Il trouve dans sa foi au Christ des ressources imprévues de force et de joie.
N’est-ce pas vrai aussi pour nous ? Qui n’a pas fait l’expérience d’un élan imprévu alors que tout allait mal ? On donne, on se donne, et, au lieu de se retrouver à sec, il y a encore du souffle en nous. Dans votre couple, en famille, au travail, dans des associations… vous avez donné, vous vous êtes donnés, vous continuez à donner… c’est inépuisable, quelles que soient les galères que vous avez traversées, ou que vous traversez. Voilà la surabondance de l’amour, qui vient de plus loin que nous, et dont nous sommes porteurs.
Puis Jésus demande à ses disciples : « Rassemblez les morceaux qui restent, pour que rien ne se perdent ».
Le don de Dieu dépasse nos besoins et même nos ambitions. A la fin du repas, on a rempli 12 paniers, comme il y a 12 apôtres et 12 tribus. Devant cette surabondance, 12 surgit comme un nombre symbolique : Dieu est venu combler la faim de toute l’humanité. Il va au-delà de ce que nous pouvons attendre et espérer.
Ces 12 paniers de nourriture : du surplus ou du surcroît ? Le surplus est encombrant ; le surcroît est inattendu et bienvenu. Quelle différence ! Que l’inattendu puisse être bienvenu, voilà le signe que les temps nouveaux sont arrivés. Vous l’avez remarqué : l’évangéliste ne parle pas de miracle ; il nous dit que c’est un signe pour nourrir notre foi, la soutenir et lui donner de l’élan. Dieu est entré dans l’humanité et nous fait signe.
Sommes-nous capables d’accueillir ce que nous n’attendions pas ? Voilà ce à quoi Jésus nous invite à longueur d’évangile. Jésus n’est-il pas le « surcroît » pas excellence ? Le reconnaissons-nous comme celui qui dépasse de très loin nos attentes ? Nous ouvre-t-il à ce qui arrive de surcroît, à ce qui nous déplace vers la grâce ?
Enfin vous avez dû être surpris comme moi. Les foules acclament Jésus, veulent en faire un roi. Mais lui s’éclipse dans la montagne, tout seul, laissant tout le monde sur sa faim (après les avoir quand même rassasiés !). On voit là l’écart entre la perception des gens et la réalité profonde que Jésus désire leur communiquer. Il apparait libre de toute forme de récupération. Mais la foule peine à comprendre ce prédicateur qui désire la conduire plus loin.
A notre tour, il est bon de nous poser la question : de quel Christ avons-nous faim ? De quoi est-il venu nous rassasier ? Comment parvenons-nous à reconnaître l’initiative de Dieu dans nos actes, dans nos vies ?
Alors, que faire ? Que retenir de ce signe de Jésus ?
Peut-être Saint Paul peut-il nous éclairer : « Je vous exhorte à vous conduire d’une manière digne de votre vocation ». Etre digne : voilà une question douloureuse. Combien de dignités bafouées, piétinées autour de nous, dans le monde. La dignité est une marche, un combat. Paul tire sa force en regardant le Christ, dont la dignité est du côté du don. Marcher dans la dignité : à nous de trouver les occasions, cette semaine, de répondre à cette vocation qui nous fait reconnaître le visage de l’autre, où le soin de l’autre passe avant tout, par-delà nos fatigues, nos peurs, nos manques. Cette dignité, qui nous vient de Dieu, est portée par le Christ. Elle est le sel de la terre, la lumière pour ce temps, qui peut soutenir notre espérance et notre courage à continuer à bâtir un avenir.
Je termine par cette belle citation de Victor Hugo : « Oh ! L’amour d’une mère ! Amour que nul n’oublie ! Pain merveilleux qu’un dieu partage et multiplie ! Chacun en a sa part et tous l’ont tout entier ! »
Même si on a peu de foi et peu d’amour, ce pain merveilleux ne s’épuise pas quand on le partage.
Amen.
père Philippe MOUY